Comme tout le monde, j’avais déjà entendu parler de TDD. La première fois que j’y ai été confronté fut lors de mon entretien d’embauche pour la société que j’ai rejoint ensuite : Lateral Thoughts, société de service innovante toute jeune fondée par Jean-Baptiste Lemée, Hugo Lassiège et Olivier Girardot (promis : je ne bullshite pas). Hé oui, en entretien d’embauche, j’ai codé ! Mais aussi entendu : "mais pourquoi n’écris-tu pas un premier test ?”. Et là, d’un coup, d’un seul, le déclic a eu lieu : j’ai entrevu la puissance d’une telle approche et ses premières difficultés d’adoption; à savoir : se défaire de la notion de propriété (ceci n’est pas mon code) et se forcer à n’écrire que le strict minimum (Keep It Simple, Stupid!).

Vint ensuite le challenge CodeStory. Évidemment, ni Pierre-Yves Ricau (aka Piwaï) ni moi n’y sommes allés complètement à l’improviste.

Connaissant un petit peu le niveau des organisateurs David Gageot et Jean-Laurent de Morlhon, nous nous entraînés à (essayer d’) aller plus vite : apprentissage des raccourcis d’Eclipse, démarrage rapide sur des technos particulières. Cela a représenté une somme de travail assez conséquente, mais le fait d’être à deux a beaucoup aidé.

Enfin, pendant l’Android Dev Camp de Paris (que Piwaï a remporté avec son équipe, au passage), je décidais de me créer mon propre challenge, tout content des choses apprises pendant CodeStory : un randori d’un week-end sur un projet personnel (plus d’infos bientôt) qui ne faisait que trop traîner. une vingtaine de sessions de 25 minutes chacune, en pur TDD et à deux. Très clairement, je n’aurais pas suivi ce rythme tout seul. J’espère publier bientôt le retour d’expérience de Jérémy Hagneré avec qui j’ai travaillé tout le week-end. Cela est d’autant plus intéressant que Jérémy partait d’un niveau scolaire en Java.

Quelques outils

Ayant toujours travaillé avec Eclipse, cet IDE est resté le choix par défaut. Il a toutefois été complété de quelques fonctionnalités bien sympathiques fournies par les plug-ins suivants :

  • MoreUnit, un outil simple qui permet de passer facilement d’une classe à sa classe de tests et offre plein d’autres petits raccourcis qui vous changent la vie

  • InfiniTest, maintenu par notre chatonphile national, qui traque les moindres changements de code susceptibles d’influer les résultats de vos tests et les rejoue pour vous le cas échéant (c’est le plugin qui traque, pas le chatonphile, hein)

  • EclEmma ou eCobertura sont deux plugins très similaires qui vous rapportent le pourcentage de code par vos tests (funny fact: EclEmma considère les lignes d’où sont lancées des exceptions non couvertes, même si un test associé couvre cette éventualité)

  • PairHero est sans doute un des outils les plus ludiques : calqué sur Pomodoro et TDD, il vous permettra de coder & stresser à deux en vous amusant.

Mais ça ne s’arrête pas là ! Sans maîtrise, la puissance n’est rien, comme dirait l’autre. Par le biais de ces sessions d’entraînement, mon partenaire et moi veillons à être le plus efficace possible avec l’IDE, c’est-à-dire apprendre à bien maîtriser ses raccourcis (qui varient évidemment d’une plate-forme à l’autre, sinon, ce serait trop simple).

Bien que Ctrl+1* (MAC: Cmd+1) soit vraiment le couteau suisse du serial refactorer, les plus intéressants à retenir selon moi sont les raccourcis liés aux extractions (extraction de variable locale, de méthodes…​). Lorsque vous faites face à un code monolithique, vous verrez que ce genre de raccourci vous permettra de modifier votre code de façon beaucoup plus safe (mais vu que vous aurez écrit tous les tests pour couvrir l’existant, vous verrez vite si ça pète, non ?).

On me souffle même dans l’oreillette que la première chose qu’aurait fait David Gageot avant de passer à IntelliJ IDEA aurait été d’apprendre ses raccourcis.

*bien comprendre que sur un clavier PC français il faut appuyer sur Shift pour obtenir un 1, sinon, j’aurais écrit Ctrl+& bien sûr ;)

Méthodos

TDD

Tout le monde connait cette approche ou croit la connaître. Et pour cause, l’approche proposée tient en quelques étapes et il est très facile de minimiser l’importance de certaines d’entre elles:

  1. écrivez un test qui ne passe pas (il faut qu’il compile tout de même)

  2. exécutez-le et constatez son échec

  3. écrivez le code minimal et "production-ready" qui fait passer le test (baby step)

  4. constatez sa réussite sinon repassez au 3

  5. nettoyez si nécessaire le code tout en vous assurant que les tests passent toujours  

  6. revenez à l’étape 1 jusqu’à ce que tous les cas de tests soient couverts

Conclusion: TDD, c’est juste écrire les tests en premier ?

Que nenni, camarade ! Pour citer Ugo Bourdon, un Test-Driven Developer bien plus aguerri que moi: "Je ne teste jamais, je fais du TDD.” Vous voyez la nuance ? Le but n’est pas d’atteindre 100% de couverture de tests ou d’exploser les stats de téléchargement d’Infinitest. Non, le but premier, commun à tous, est de produire du code qui peut partir en production le plus rapidement possible.

Et bien sûr, cela dépend de la Définition de Fini que vous vous fixez. Mais il ne semble pas incongru de définir au minimum les contraintes suivantes:

  • le code fonctionne

  • le code est lisible

  • n’importe quelle fonctionnalité est remplaçable/ajoutable en un minimum de changements

  • toute régression est détectée le plus vite possible

Comme vous pouvez le voir, le mot "test" n’apparaît nulle part dans ces contraintes. Le test n’est qu’un moyen de se prémunir contre les bugs, un rempart contre les effets de bord et donc : un facilitateur de changements. Il devient presque indispensable à partir du moment où vous n’êtes plus le seul à travailler sur un projet (et qui vous dit que quelqu’un d’autre ne vous remplacera pas par la suite, de toutes façons ?).

Si vous codez comme un gougnafier, votre code restera de qualité déplorable et buggé. Déterminer les bons tests, faire en sorte que le code soit lisible est toujours de votre responsabilité. TDD vous aide juste à déterminer plus rapidement que votre code se détériore et vous aide donc à le corriger plus vite.

À deux, c’est mieux !

J’espère que tout le monde passera outre la proximité de ce titre avec ma comparaison précédente :)

Intérêts

Les avantages naturels du pair-programming sont les suivants :

  • le code est écrit par deux personnes, le sentiment de propriété est donc moins fort et les remises en cause plus aisées

  • chacun s’expose à l’autre et tend à lui montrer ce qu’il peut faire de mieux (émulation)

  • les failles de raisonnement et fautes d’inattention doivent faire face à une paire d’yeux supplémentaire et se trouvent donc fortement réduites

  • chaque personne est responsable de l’équipe, et l’envie d’abandonner pénalise deux personnes au lieu d’une, ce qui explique pourquoi travailler à deux est bien plus motivant

En résumé, travailler à deux, c’est un ping-pong permanent, une dissonance cognitive réduite bien plus vite et un partage des connaissances et une envie d’essayer accrues.

Les pièges

Mais sachez qu’il existe de nombreuses possibilités de configuration pour programmer en paire inefficacement, comme l’explique l’excellent post "Mechanics of Good Pairing" dont je ne peux que vous recommander la lecture.

Afin de pas tomber dans l’écueil du "pépère-programming", je me suis toujours installé de la façon suivante :

image

Dans cette configuration, il n’existe qu’une seule machine (+ 1 machine commune pour les recherches) avec affichage en miroir sur deux écrans, un clavier et une souris chacun. Chacun est donc installé comme s’il était seul et peut donc intervenir à tout moment (plus d’effets "bras croisés" donc). Les deux personnes restent maîtres en même temps d’un seul et même code.

Si vous êtes joueur, je vous conseille de pimenter l’exercice avec PairHero. Le workflow décrit précédemment devient :

  1. le codeur A écrit un test qui ne passe pas

  2. PairHero donne la main au codeur B qui écrit le code qui fait passer le test (+10 points!)

  3. le codeur refactore le code si besoin (+2 par refactor!)

  4. le codeur B écrit un nouveau test qui ne passe pas

  5. PairHero donne la main au codeur A qui écrit le code suffisant pour que le test passe (+10 points!)

  6. le codeur refactore le code si besoin

  7. retour à l’étape 1 et ainsi de suite pendant 25 minutes

Sympathique, n’est-ce pas ?

To be continued

J’ai eu l’occasion de discuter sur ce sujet avec mon responsable en mission qui était vraiment très réfractaire à ce genre de pratiques. Il avait en fait l’image d’un pair-programming qui n’en est pas un (voir les niveaux < 2 de l’article cité plus haut).

Néanmoins, avec mon enthousiasme non dissimulé et en faisant l’association TDD <-> pair-programming, j’ai réussi à le convaincre d’essayer dans notre équipe de projet dès la semaine prochaine. Dans le même temps, j’animerais un petit atelier sur un Kata classique afin de mettre mes coéquipiers à l’épreuve, et je l’espère, convaincre les réfractaires (s’il y en a).

Ce sera donc ma première expérience de pair-programming avec des personnes que je connais peu.

Donc non, le pair-programming/TDD en entreprise n’est pas mort !

Stay tuned et banzai !